17 et 18 Août 1944 : les combats du Mas des Landes

Au Mas-des-Landes, en bordure de la route départementale 79, dite « ancienne route d’Aixe » une petite stèle nous rappelle « 18 Août 1944, ici ont été massacrés par les Allemands, les FFI JAVELAUD Paul 22 ans et CHABAUD Adrien 19 ans ».

Qui sont ces jeunes gens et que s’est-il passé ici, voici 77 ans ?

Paul JAVELAUD est né le 6 février 1922 à Saint-Mathieu ; réfractaire au Service du Travail Obligatoire (STO), il a rejoint le Maquis de Cussac en juillet 1943.

Adrien CHABAUD, lui, est né le 22 avril 1925 à Rochechouart, trop jeune, il ne peut être requis par le STO. Il rejoint cependant le Maquis de Pressac (Charente).

A partir de février 1944 ces combattants résistants regroupés prennent le nom de Forces Françaises de l’Intérieur (FFI)

En Aout 1944 afin de préparer la libération de Limoges les FFI limousins, sous les ordres du commandant en chef de la Haute-Vienne, Georges GUINGOUIN, procèdent progressivement à l’encerclement de la ville. En même temps les résistants prennent position, à proximité de Limoges, sur des lieux stratégiques : carrefours, ponts pour surveiller les voies de communication et les déplacements des forces d’occupation.

Adrien et Paul ont rejoint à Aixe-sur-Vienne, avec leurs maquis, d’autres combattants volontaires. Tous obéissent aux ordres du commandant FFI, Eugène Pinte, dit « ATHOS ». L’un de leurs objectifs est de surveiller l’accès aux ponts sur la Vienne.

Le matin du 17août, une partie des résistants venus d’Aixe s’installent donc dans les bois du Mas des Landes.

Là, ils abattent des arbres pour barrer la route aux troupes allemandes qui tentent de quitter Limoges par l’ouest afin de franchir la Vienne par les ponts d’Aixe et de la Gabie. Après plusieurs accrochages avec des groupes de résistants rue François Perrin, cette troupe lourdement armée arrive au carrefour du Mas des Landes.

Soldats allemands.et combattants FFI s’affrontent violemment durant une grande partie de l’après-midi. Le soir, le hameau, dont la plupart des habitants ont réussi à s’enfuir en se cachant, est contrôlé par les Allemands. Ils occupent le bâtiment de l’école et en fin de journée incendient le café appartenant à Monsieur et Madame PICAT soupçonnés d’avoir ravitaillé et abrité les Résistants.

Les deux jeunes maquisards sont tués au cours de ces terribles combats.

Le corps d’Adrien CHABAUD est retrouvé sur la commune de Verneuil-sur-Vienne en bordure de la route du Breuil menant au Pont de la Gabie.

Quant à Paul JAVELAUD il fut « blessé par les Allemands qui l’ont fusillé le lendemain » d’après le témoignage de l’un de ses compagnons.

Ce combat du Mas des Landes fut un des plus durs combats de « la bataille d’Aixe » des 17 et 18 août et Limoges fut libéré le 21 Août.

 

« Âgé de 11 ans à cette époque, j’ai des souvenirs très précis de ce qui s’est passé au Mas des Landes ces deux jours, les 17 et 18 août 1944.

            Le 17 août, l’armée allemande a bien tenté une percée vers l’ouest. Des tirs d’armes ont été entendus très tôt le matin et se sont intensifiés lentement mais sûrement en direction du village du Mas des Landes et de ses alentours. Avant midi, ils étaient très près du village. A l’heure du déjeuner, nous sommes passés à table, mes grands-parents, mes parents et moi-même… Mais les haricots verts sont restés dans les assiettes. La peur était devenue trop présente pour avoir faim. Nous sommes sortis, sans doute, pour mieux « voir ». Et c’est à ce moment précis que sont sortis de la maison d’en face (l’école en fait), l’institutrice, son mari et leur fille. Ils nous ont vus et nous ont crié tout en courant « dépêchez-vous, il ne faut pas rester là ».

            Vite nous sommes rentrés à la maison complètement retournés. Et les tirs se rapprochaient… C’est alors que j’ai fondu en larmes en suppliant mes parents de partir. Mon père qui dans ces derniers instants avait pris conscience du danger, m’a embrassé les larmes aux yeux. Nous avons pris quelques vêtements et nous sommes partis en direction d’Aixe. Mes grands-parents ont préféré rester prétextant leur âge.

            Nous avons donc franchi le jardin de la famille LAURENT, traversé la route du Breuil et sommes passés à l’arrière de la maison PICAT. Nous avons soufflé un peu, trouvé d’autres personnes et avons poursuivi notre chemin. En cheminant dans le bois dont le sol était fait de monticules et de creux (comme des fossés de taille importante), alors que nous étions sur une partie haute, nous avons essuyé une rafale d’arme automatique : nous avions bien été repérés. Par bonheur, personne n’a été touché. J’entends encore, quand j’y pense, le sifflement des balles. Nous sommes vite descendus dans le creux suivant et après une attente, nous sommes repartis. Et nous n’avons plus rien entendu.

            Presque en fin de soirée, nous sommes arrivés au village du Puy de Mont. Nous étions donc un petit groupe qui a été recueilli par de braves gens du village ; ils nous ont préparé du bouillon chaud et ont disposé sur la table un tas de victuailles. Mais l’appétit n’y était pas et les têtes non plus !

            Ensuite nous avons couché dans la grange en face de la maison, sur la paille. Impossible de dormir… mais nous étions à l’abri. Dans la nuit, il y eu aussi une belle frayeur quand une personne du groupe, ne pouvant se reposer, est sortie tout doucement sur la route mais a eu l’idée d’allumer une cigarette. Aussitôt une salve d’arme automatique a été tirée dans notre direction… La personne en question est vite revenue dans la grange, pas très fière de son « exploit » ! Alors on s’attendait au pire dans un silence total. Heureusement rien ne s’est passé jusqu’au moment où nous avons entendu un ronflement de moteur qui se rapprochait. Pas un bruit de notre part… Encore une fois on pensait au pire. Le véhicule s’est arrêté juste devant la grange. Quelqu’un sans bruit a entrebâillé la porte et on a entendu parler français… Sauvés encore une fois. C’était un camion de maquisards égarés. De plus sur les portières était écrit le nom de Bernis ! Puis le petit matin est arrivé. Rien de plus ne s’est passé. Après discussion dans le groupe, nous nous sommes dispersés dans les villages voisins, dans diverses familles, parents, amis… qui nous ont hébergés fort gentiment pendant quelques jours, avant le retour au Mas des Landes ».

 « Pour ce qui concerne mes grands-parents, les soldats allemands ne leur ont fait aucun mal. Par contre, ils avaient soif ! Sauf erreur de ma part, je pense que ce que je vais vous raconter maintenant a dû se passer à partir du milieu ou en fin d’après-midi du 17, avant d’investir complètement le village, et de brûler la maison de la famille PICAT.

Un officier allemand a fait fouiller la maison par ses soldats et a demandé brutalement à mon grand-père : « à boire ! du vin ! »

Bien sûr, mon grand-père lui a répondu qu’il n’en avait plus, mais qu’il y avait de l’eau :

L’officier dit sur un ton rude : « Tu sais, si je cherche, je trouverai… ».

Interloqué, mon grand-père répond : « J’ai un peu de cidre »

« Bon, va le chercher » lui ordonne l’officier.

Mon grand-père obtempère, et après avoir descendu les quelques marches qui mènent à la cave, il remonte un petit tonneau de 30 litres de cidre environ. Ce tonneau « d’époque » était muni d’un robinet que l’on pouvait ouvrir et refermer.

L’officier lui ordonne de le poser au bout du banc en bois qui était dehors, devant la maison, puis il remplit lui-même son quart et le tend à mon grand-père en disant : « Toi le premier ». Ce que fit mon grand-père. L’officier, tout heureux, en fit autant : le cidre n’était pas empoisonné !

Puis, il fit signe à ses soldats de se désaltérer à leur tour. Le tonneau fut vidé en peu de temps !

Toujours d’après ce que m’a raconté mon grand-père, le lendemain (je ne peux préciser si c’était le matin ou l’après-midi), alors que les ruines de la maison PICAT fumaient encore, mon grand-père accompagné de Monsieur TRANCHANT et de quelques autres hommes des environs, « montèrent » voir le triste spectacle.

Tout à coup, un officier allemand surgit et leur intima l’ordre de se mettre à genoux dans le fossé, en face de la maison, qui, je le répète, brûlait encore. Le fossé se situait de l’autre côté de la route bien sûr. Inutile de dire ce à quoi tous pensaient à ce moment-là ! Qu’ils allaient être tous fusillés devant la maison …

Au bout d’un moment : un autre officier surgit d’un autre côté, et, avec un grand geste, leur dit « Raus ! » (Fichez le camp). Ils étaient libres ! »

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