1939-1940 des réfugiés Alsaciens à ISLE

« Aux premières heures du 1er septembre 1939, la radio annonça l’entrée des troupes allemandes en Pologne, sans déclaration de guerre. La Deuxième Guerre mondiale venait de commencer. Durant la journée, les gendarmes apportèrent l’ordre d’évacuation : toute la population devait quitter le village avant l’aube du 2 septembre ; à partir de ce moment, la région sera considérée comme secteur d’opérations et soumise en tout à l’autorité militaire. » raconte le jeune évacué alsacien, Joseph Schmitt qui arrive à Isle le 18 septembre 1939.

Cette évacuation des populations civiles située dans « l’avant zone de la ligne Maginot et en bordure de la frontière » était planifiée dès 1938. Il était prévu que les communes haut-viennoises accueilleraient les populations du nord du Bas-Rhin. Isle reçoit donc l’ensemble de la population de Leutenheim soit quelques 630 personnes, parmi eux deux représentants de la municipalité, deux instituteurs, et le curé.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La première urgence consiste à héberger ces familles qui arrivent désemparées dans une région inconnue où les habitants ne parlent pas leur langue. La municipalité avait préparé au mieux leur arrivée. Les premières centaines de réfugiés sont conduits dans les logements prévus, au bourg d’Isle, dans les villages et hameaux comme Mérignac, la Chabroulie, Balézy, Verthamont, la Jourdanie, etc… dans les châteaux aussi.  « Une camionnette nous prit à bord et nous mena, avec tous nos effets, jusqu’à un château, situé à 4 ou 5 kilomètres d’Isle, et niché sur une hauteur qui dominait la Vienne en face du village d’Aiguille (château du Pic). Un chemin boisé montait en un grand lacet de la vallée jusque sur la hauteur où se trouvait le château. C’était une très belle bâtisse : à partir d’un parc joli et très bien entretenu, un escalier monumental donnait sur l’entrée principale… Ma famille fut logée dans le château…Le local qui nous était destiné était la salle de musique aux immenses portes vitrées donnant sur la terrasse et le parc et garnie d’une très belle cheminée. Le mobilier et un grand piano à queue avaient été rangés dans un coin de la grande salle pour faire place aux lits et matelas posés à terre et préparés à notre intention… Nous avons séjourné au château pendant deux semaines ; mais à quatre familles, nous y étions trop nombreux. On nous attribua finalement un logement de deux pièces dans un petit restaurant, La Venise, situé au bord de la Vienne, à côté du pont d’Aiguilles. Plusieurs autres familles de notre village se trouvaient logées dans les proches environs ».

Cependant le nombre de réfugiés dépassant les prévisions, une centaine d’entre eux ne peuvent être logés dans l’immédiat. « On les parqua, en partie dans des salles de classe de l’école, en partie dans la grande salle de dancing du restaurant « Les Pâquerettes », au bord de la Vienne. Cela dura une bonne semaine, dans des conditions peu agréables. Deux fois par jour, il nous fallait monter le chemin raide pour aller au centre du village où nous prenions nos repas chauds dans une salle de l’école. Une cuisine de fortune fonctionnait dans la mairie voisine pour préparer nos repas ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Afin de trouver des logements l’abbé Simon redouble d’efforts auprès de la municipalité et de la préfecture dont il obtient la réquisition de résidences inoccupées. Au bout de quelques semaines toutes les familles alsaciennes sont hébergées et lors du conseil municipal du 12 novembre 1939, Lucien Frugier, maire d’Isle, adresse ses vœux de bienvenue aux réfugiés représentés par l’adjoint au maire de Leutenheim et remercie « particulièrement et sincèrement l’abbé Simon pour le dévouement sans borne qu’il a apporté pour assurer le logement de ses concitoyens et leur venir en aide »

Une fois logés « notre vie s’organisa progressivement… à la place du ravitaillement en nature fourni durant les premiers jours, chaque personne bénéficia d’une allocation aux réfugiés de 10 francs par jour. »

Les hommes trouvent du travail dans les fermes, dans les nombreuses mégisseries et papeteries ou les, petites usines situées sur la Vienne et à Limoges.

La communauté alsacienne éparpillée sur la commune se retrouve les dimanches et jours de fête au bourg d’Isle pour assister à la messe. Les jeunes parcourent la région à vélo, parfois en utilisant les tramways qui les amènent jusqu’à Limoges et Saint-Junien. Les dimanches ils se rassemblent sur les bords de Vienne où les baignades se mêlent aux promenades en barque et à la pêche.

Dès la rentrée scolaire d’octobre les enfants les plus âgés sont admis dans les Lycées de Limoges tandis que les plus jeunes accroissent considérablement les effectifs des écoles primaires d’Isle où enseignent leurs instituteurs. Une nouvelle organisation s’impose alors : la matinée pour les Islois, l’après-midi pour les Alsaciens avec alternance hebdomadaire. Face à cette situation préjudiciable pour tous les élèves, le conseil municipal réuni le 2 mai 1940 adopte à l’unanimité la proposition du maire « la construction dans une partie du jardin scolaire d’un bâtiment en matériaux semi durs » pour la prochaine rentrée.

Mais les armées allemandes occupent le nord de la France, le Maréchal Pétain signe l’armistice le 22 juin 1940. L’une de ses conventions prévoit « le rapatriement de la population des territoires occupés ».

Les familles alsaciennes, quittent Isle le 14 septembre 1940 « Dans l’après-midi, des trams spéciaux ont fait le ramassage des candidats au départ pour les déposer à la gare de Limoges. Notre train nous y attendait, composé, comme il se devait, des fameux wagons du type « Chevaux 8 – Hommes 40 ». L’embarquement se fit rapidement et sans difficultés ; le soir venu, nous étions prêts au départ, un an, presque jour pour jour, après notre arrivée à Limoges en septembre 1939. »

À la rentrée scolaire 1940 les enfants avaient rejoint leur école dans l’Alsace annexée au Reich allemand.

En 1980 est publié le témoignage de Joseph Schmitt « Les tribulations d’un jeune évacué ». Avec le recul permis par le temps il précise « Nous venions donc de passer douze mois en Haute-Vienne, où nous avons vécu, en général, en bonne entente avec les Limousins. Pour les jeunes, ce séjour était indiscutablement enrichissant : notre horizon s’était élargi, nous avions connu un autre pays, d’autres coutumes, une culture toute différente ».

Pour compléter les extraits cités, une version de ce témoignage a été éditée par l’association des Amis de Robert Margerit dans les cahiers N° XXII de décembre 2018 (médiathèque et association).

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